Éditorial

Vers une période d’incertitude au Cameroun ?

Les enseignements que nous pouvons tirer de la récente élection présidentielle au Cameroun sont nombreux. Mais les plus marquants sont sans aucun doute l’engouement populaire suscitée par les candidats, une liberté de ton, l’absence de Paul Biya dans le débat, l’omniprésence et l’insolence du jeune Cabral Libii, sans oublier le pénalty tiré et « raté » du malheureux Maurice Kamto.

Aux yeux du monde, cette campagne avait l’apparence de liberté que nous envions aux pays tels que le Bénin, le Sénégal ou le Ghana. Pour la première fois, les opposants ont osé braver l’interdit. Ils ont contesté publiquement la victoire de Paul Biya devant le Conseil Constitutionnel aux ordres du pouvoir RDPC.

Mais le résultat des élections présidentielles au Cameroun est immuable : c’est toujours Paul Biya qui gagne malgré quelques rides en plus. Après 36 ans de règne sans partage, il reprend le gouvernail à 85 ans pour sept nouvelles années.

La contestation de l’opposition reste un coup d’épée dans l’eau. Le pouvoir central ne sera pas ébranlé car dès le départ, l’opposition s’est affaiblie avec sa horde de candidats. Elle ne pouvait espérer mieux que des places supplétives que lui confèrent ses divisions. En effet, même unie, le résultat aurait été le même. Mais dans une configuration de rassemblement, l’opposition aurait été plus crédible. Elle n’a pas été capable de tirer les leçons du passé.

La dernière élection présidentielle a aussi ouvert la porte au débat public. Ce débat a été, à certains égards, piètre, incongru et parfois nauséabond. L’attitude des invités trahissait leur nervosité car ils sortaient enfin de la pensée unique et offrait aux spectateurs leur insuffisance. Elle a aussi permis aux acteurs politiques de s’afficher sous leur banière quand d’autres trahissaient leur propre camp.   

Le changement par les urnes est-il encore possible au Cameroun ?

L’élection de Paul Biya ne faisait aucun doute pour ceux qui connaissent le fonctionnement de l’administration du Cameroun et sous les dictatures. L’opposition et les camerounais épris de liberté et de changement ont eu tort de croire à un verdict différent. Le changement par les urnes n’est pas possible.

Le système Biya est bien verrouillé car il a à sa solde tous les leviers de l’État et des femmes et des hommes dont il ne doute de leur fidélité achetée au prix fort. Mais les dernières élections ont réveillé beaucoup de consciences. L’homme de la rue s’est positionné sans peur derrière le candidat de son choix. Voilà pourquoi les chiffres avancés sont contestables car ils ne reflètent pas la vérité. Le Conseil Constitutionnel nous a offert un bien piètre score qu’il est seul à garantir.

Vers un champ des possibles

La dernière élection présidentielle a été pleine de vitalité et a réveillé les consciences. Les camerounais, dans leur majorité, ont exprimé haut et fort tout ce qu’ils couvaient en eux. Nous avons vu dans la rue, malgré la présence policière, des jeunes exprimer leur colère contre un pouvoir affaibli par tant d’années d’errance et d’hésitation. L’occasion était trop belle. Cette jeunesse est un signe d’espoir pour un Cameroun nouveau où le débat public a osé enfin dénoncer le clientélisme, le tribalisme et la corruption de la classe au pouvoir.

Pour de nombreux observateurs de la vie politique au Cameroun, tous les scénarios sont possibles après l’élection de Paul Biya car ce dernier n’est plus l’équation incontournable de la gestion du pays. Les prétendants sont connus. Ils doivent entretenir la flamme de l’espoir et ne pas bruler le crédit suscité par la dernière campagne présidentielle. 

L’élection de Paul Biya à la magistrature suprême, pour une période de sept ans, ouvre au Cameroun une nouvelle période d’incertitude car le pays est très divisé. Il est confronté à un tribalisme sans égal et décrié, à des rancunes cumulées durant tout le règne sans partage de Paul Biya et à la gabegie du système en place. 

L’équipe actuelle a besoin d’un profond remaniement car elle doit faire appel à des technicien pour freiner l’hémorragie de la dette du pays et rassurer les investisseurs. 

L’élection de Paul Biya ouvre un champ de tous les possibles pour l’avenir du Cameroun.

Par Michel Lobé Etamé (JMTV+)

 

Related Posts