Après une courte campagne électorale particulièrement scrutée par l’opinion publique, le double scrutin des législatives et des municipales du 9 février 2020 au Cameroun est un véritable camouflet pour le pouvoir en place. Dans une démocratie, un faible taux de participation aurait constitué un tremblement de terre politique et sociétal. Les électeurs ne se sont pas bousculés malgré les efforts du pouvoir habitué à haranguer les foules en distribuant des sardines, du pain et des pagnes. Les promesses sans lendemain du pouvoir ne mobilisent plus.  
Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce double scrutin ? Une analyse approfondie de la situation nous conduits à des interrogations :

  • Quel a été le taux de participation ?
  • Quel a été le taux d’abstention ?
  • Qui est le vainqueur de ces élections ?

Les chiffres sont disponibles. La délégation de l’Union Africaine a relevé une faible affluence avec un taux de participation de 23%, soit 87% de taux d’abstention sur le plan national. Ce chiffre traduit à lui seul le peu d’intérêt que le citoyen accorde aux élections dans un pays où le mal-être a détruit la confiance envers l’État-parti RDPC et la population. L’analyse du vote montre également un clivage moral dans le pays.

Le boycott des élections lancé par Maurice Kamto ne saurait justifier à lui seul le désamour de la population envers le chef de l’État et les institutions du pays qui ne permettent aucune alternance malgré l’âge avancé du premier magistrat. Les mises en garde de l’opposition contre les libertés d’expression ont pesé lourd. La mobilisation n’était pas au rendez-vous car les élections sont d’avance viciées pour un triomphe sans éclat du RDPC.

Il n’est donc pas excessif de convenir que le climat politique, économique et social du Cameroun est à repenser. Ce travail fastidieux incombe à de nouvelles femmes et à de nouveaux hommes qui apporteront un climat propice au développement du pays.

La crise anglophone est aussi révélatrice du rejet massif du double scrutin qui n’avait pas de légitimité si l’on tient compte du climat d’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ce climat anxiogène a eu raison des ambitions suicidaires du régime. L’occasion était belle pour une réconciliation entre les séparatistes et le pouvoir en place. Encore une occasion manquée pour notre histoire tant jalonnée de rêves brisés.

Le triomphe de l’abstention

Le vainqueur du double scrutin de dimanche est l’abstention. Les chiffres avancés témoignent du désengagement politique des électeurs camerounais. Désabusés depuis des décennies, ils n’attendent plus rien d’un pouvoir corrompu, insatiable, amnésique et peu enclin au changement ou à l’adaptation aux règles universelles de la démocratie. La population est déçue et résignée. Le RDPC ne peut pavoiser dans les rues. Il affute déjà ses armes pour l’Assemblée législative et les Mairies. Leur objectif est atteint.

Le double scrutin du 9 février 2020 est un double désaveu cinglant pour le pouvoir en place. La guerre larvée contre Boko Haram qui s’éternise et la guerre au Cameroun anglophone traduisent bien l’incapacité d’un pouvoir moribond à rassurer sa population. Les conditions n’étaient pas réunies pour des élections libres et démocratiques. Les partis d’opposition n’ont pu mener une campagne dans un climat pollué par les réticences de l’administration territoriale qui délivrent au compte-gouttes les autorisations des meetings.  

Le double scrutin du 9 février 2020 témoigne de la popularité stérile du chef de l’État. Saura-t-il en tirer le moindre enseignement au crépuscule de sa vie ?
 
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

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