Témoignage du brigadier de police Jean Cyprien Sèna Loko depuis sa clandestinité

« Tout a commencé le 14 mai 2018 où par note de service N°090/PR/SG//DRHC/SMAA, on m’a affecté de la brigade de gendarmerie de Banikoara où j’ai passé 4 ans 7 mois pour le commissariat d’arrondissement de Gogounou dans le même département, celui de l’Alibori. Le 20 mai 2018, mon commissaire, le lieutenant Tamou Bio Dafia, m’a remis ma mise en route. J’ai rejoint Gogounou le 24 mai 2018. A mon arrivée, le même jour, sans prendre service, le commissaire m’a notifié que je suis pris pour une mission avec les forestiers à Ouassa Pehunco. Le lendemain, j’ai pris ma voiture puis je me suis rendu à l’endroit. Après une semaine passée, soit le 03 juin 2018, j’ai reçu un appel d’un numéro inconnu. Au bout du fil, le Général Hounnonkpè, Directeur Général de la Police Républicaine. Il m’a demandé de venir le voir à Cotonou. Je lui ai répondu que je suis pris pour une mission et que s’il peut appeler mon commissaire pour me faire remplacer pour la mission se serait bon. Il m’a dit de demander une simple permission et de venir dans la semaine. J’ai sollicité alors une permission de 5 jours au commandant forestier sous qui je servais.

Le 05 juin 2018, je me suis rendu à Cotonou avec ma voiture. Le Général Hounnonkpè m’avait laissé un numéro MOOV commençant par 64 que je devais appeler une fois à Cotonou. J’ai appelé le numéro aux environs de 18h puis quelqu’un a décroché. J’ai demandé à parler au Général. Il a pris le téléphone et m’a dit de venir au complexe Titanic à la descente du pont (l’ancien pont). Je suis allé à l’endroit puis j’ai garé ma voiture. A ma descente, une voiture Toyota Corolla couleur grise m’a klaxonné. Je suis allé vers la voiture en passant par le côté chauffeur. J’ai alors vu que c’est le Général Hounnonkpè. Il m’a demandé de monter à bord. Après m’avoir demandé comment le voyage s’est passé, il m’a dit qu’il m’a fait appel pour une mission et que si je l’exécutais, la demande introduite dans son secrétariat par son protocole Hermance Atchogoun avec qui j’ai fait le stage du BQ1 en Transmission, aura une suite favorable, il va reconnaître mon diplôme et m’avancer en grade, et que j’aurai un montant de 10.000.000 FCFA (15.000 euros) dans sa main. Il mettra un pistolet automatique de fabrication artisanale avec munition à ma disposition. Je lui ai demandé le but de la mission. Il m’a dit qu’il s’agit de Léonce HOUNGBADJI sur qui je vais tirer. Ensuite, il m’a dit qu’il sait que je connais bien Léonce pour avoir servi avec lui au ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique et des Cultes (MISPC) quand je conduisais le colonel Elomon, qui était le Directeur de la Transmission et de la Télésurveillance. Je lui ai dit oui que je connais Monsieur HOUNGBADJI très bien et il me connaît. Mais je ne peux pas commettre ce forfait. Il me rassure en me disant de ne pas m’inquiéter, les conditions propices à la réussite de l’opération me seront créées pour me faciliter la tâche. J’ai décliné l’offre. Il m’a dit de descendre de sa voiture et qu’il me donne 3 jours pour réfléchir. Mais de savoir que si je le dis à quelqu’un, ma vie sera en danger ainsi que ma carrière. J’ai quitté Cotonou le même jour pour me rendre dans un autre endroit. Le lendemain, j’ai parlé de ça à un collègue et à une autre personne. Ils m’ont déconseillé avec la dernière rigueur. Mais de ne pas le dire à quelqu’un encore. Après avoir passé 4 jours dans cet endroit, j’ai repris le chemin de Ouassa Pehunco. Le 11 juin 2018, j’ai repris avec la mission sans donner une suite favorable à mon directeur, le Général Hounnonkpè. Dès que la mission est terminée, je suis revenu dans mon unité pour reprendre le service.

Quelques mois plus tard, un autre commissaire est venu à la tête de mon unité. Le lieutenant de police Danmassoh Ambroise. J’ai connu l’enfer avec lui, car il me crée des situations accompagnées de rapports sur moi. Devant tous mes collègues, il me menace des fois.
Courant janvier 2019, j’ai fait un choc avec un titan en rentrant chez moi après le service. Le chauffeur du camion ne voulant pas un constat d’usage m’a remis 15.000 FCFA, 22 euros, pour réparer les dommages qu’il a créés. Le lendemain, j’ai pris le soin d’en parler à mon collègue qui m’a prêté sa moto. Quelques jours plus tard, mon commissaire m’appelle dans son bureau pour me dire qu’il a reçu une plainte de la part d’un chauffeur chez qui j’ai pris de l’argent. Je lui ai expliqué la situation telle qu’elle s’est déroulée et il a repris les sous chez moi en me disant que le directeur départemental de la police a dit de faire un rapport circonstanciel.

En avril 2019, j’ai été désigné pour la mission des élections législatives à Kandi à la direction départementale de la police Républicaine pour servir dans le Peloton MO. Après une semaine de recyclage, nous avons commencé la patrouille pour dissuader les attroupements. Un jour, au cours de la patrouille, j’ai rencontré une copine à moi que j’ai connue à Gogounou. Après la patrouille, j’ai été chez elle où elle m’a indiqué elle-même. Le lendemain, je vois cette copine venir chez mon directeur accompagnée d’autres personnes. Après un entretien avec le directeur, ils sont partis. Quelques minutes plus tard, le directeur me fait appel dans son bureau et me dit ceci : « Tu échappes à tout mais ceci je te promets la prison ». Il m’a alors dit de me présenter au commissariat central pour une plainte déposée par ma copine. Dans son bureau, j’ai commencé par rire en lui disant que celui pour qui il travaille avec mon commissaire, je le connais bien. Il m’a renvoyé de son bureau. Le lendemain, je suis parti au commissariat central. J’ai vu le commissaire qui m’a dit que le Procureur est saisi du dossier et a dit de me laisser libre et d’envoyer la procédure en urgence. L’OPJ qui est sur le dossier a reçu des menaces du directeur départemental pour me charger dans le procès verbal. Nous avons été au Tribunal 3 jours plus tard. Le Procureur, après avoir auditionné chaque partie, à classer le dossier sans suite pour insuffisance d’éléments constitutifs et propos mensongers : « Je vous informe que suite à votre dépôt de plainte contre le nommé Loko Jean Cyprien pour des faits de tentative de viol, de violation de domicile et violences et voies de fait, je classe cette procédure sans suite en l’état, pour raison d’insuffisance de charges », écrit le Procureur Abdou Karimi Adéoti à la plaignante, le 23 avril 2019 (lettre N°Parquet : KAND/2019/RP/00383), suite au procès verbal N°76/CC-KDI du 19 avril 2019.

A ma sortie, je suis parti à la direction pour informer le directeur de cette décision afin de rentrer dans les rangs pour la mission qui m’a amené. Mon directeur départemental était furieux et me menace de radiation. A la fin de la mission, après la proclamation des résultats, nous avons été instruits pour qu’en cas de soulèvements de la population de tirer à balles réelles sur les meneurs. Pour ne pas être cité après dans cette barbarie, j’ai sollicité une permission. Donc j’étais absent quand les collègues ont tiré sur des gens à Kandi, deux (02) civils ont perdu la vie. Après tout ça, le calme est revenu puis je suis rentré de Parakou pour Kandi. On continuait les patrouilles jusqu’à mi-mai 2019 quand on a été libéré pour rejoindre nos unités. J’ai rejoint mon unité à peine les problèmes ont commencé encore. Lors de mon absence, je devais la location à mon propriétaire. Mon commissaire lui a dit de me mettre dehors et d’aller voir le directeur départemental. Un rapport a été fait encore pour ça. J’étais devenu un habitué des rapports.

En septembre 2019, mon commissaire m’a appelé soit disant que le directeur lui a donné des instructions pour me faire émarger le dossier d’accident avec le titan. J’ai refusé de signer puis devant moi, il a appelé le directeur pour lui rendre compte. Ce dernier lui a dit de m’amener à la direction le lendemain. Nous avons été à la direction quand le directeur a fait appel au commissaire central pour venir me chercher et m’enfermer. Le commissaire central lui a fait savoir son indisponibilité, il était dans une réunion à la préfecture. C’est ainsi qu’il a dit à mon commissaire de me conduire pour m’enfermer. J’ai fait semblant de monter dans la voiture et j’ai pris la fuite.
En octobre 2019, je suis rentré en clandestinité, hors du Bénin… »

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