L’Église catholique a joué sur un triple registre négrier, en co-produisant une idéologie de légitimation de la traite et de l’esclavage des Africains et de leurs descendants ; en s’impliquant directement dans le partage des prédations négrières ; enfin en étant bénéficiaire économique et confessionnel de la traite négrière.

Extrait de la Bulle du Pape Nicolas V, du 8 janvier 1454, qui a eu pendant des siècles des conséquences désastreuses sur les Africains
.

” Nous avions jadis, par de précédentes lettres, concédé au Roi Alphonse du Portugal, entre autres choses, la faculté pleine et entière d’attaquer, de conquérir, de vaincre, de réduire et de soumettre tous les sarrasins (c’est-à-dire les Africains), païens et autres ennemis du Christ où qu’ils soient, avec leurs royaumes, duchés, principautés, domaines, propriétés, meubles et immeubles, tous les biens par eux détenus et possédés, de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle, (…) de s’attribuer et faire servir à usage et utilité ces dits royaumes, duchés, contrés, principautés, propriétés, possessions et biens de ces infidèles sarrasins (Africains) et païens…

Beaucoup de Guinéens et d’autres Noirs qui avaient été capturés, certains aussi échangés contre des marchandises non prohibées ou achetées sous quelque autre contrat de vente régulier, furent envoyés dans les dits Royaumes “.

JPEG - 18.1 ko
Africaine emmenée en esclavage marquée au fer rouge

L’église catholique, accoudée à ses anciens coalisés de la période esclavagiste tente d’allumer des contre-feux médiatiques visant à faire pièce au puissant vent d’exigences de reconnaissance et de réparations qui a agité comme une lame de fond la Conférence Contre le Racisme de Durban en septembre 2001. La diversion toute trouvée a été la piteuse mise en scène en 2003 de prélats catholiques africains, qui plaidaient une responsabilité africaine dans la Traite négrière. Cette sortie inconséquente donnant volontairement ou non à s’absoudre aux associations négrières avérées : Lumières, Royautés, Industriels et Eglises. Il s’agit de rendre à l’Eglise catholique l’entièreté de l’empreinte déposée de son ensauvagement – incivilisation – négrier.

Il est important de saisir la traite négrière comme une énorme entreprise de pratiquement cinq siècles de barbarie pendant lesquels l’alliance criminelle et afrocide des puissants d’Europe a fonctionné comme un broyeur d’humanités. Prélats, aristocrates, industriels, savants se sont mutuellement soutenus et influencés pour fabriquer une an-Afrique à leur image : le lieu spécialisé d’une déportation sanglante de millions d’Africains esclavisés.

L’autorité morale de l’Eglise dans la société européenne était incontournable pour toute activité d’ampleur, elle régissait le quotidien, le spirituel, imbriquée au pouvoir qu’elle renforçait et à qui elle en imposait. La puissance d’évocation de la chrétienté, les territoires dominés par la religion et l’ordre chrétien relevaient de la diligence des hautes cimes de la société européenne.

Ainsi l’Eglise catholique a t-elle joué sur un triple registre négrier, en co-produisant une idéologie de légitimation de la Traite et de l’Esclavage des Africains et de leurs descendants ; en s’impliquant directement dans la partage des prédations négrières ; enfin en étant bénéficiaire économique et confessionnel de la Traite négrière.

D’un point de vue idéologique, l’Eglise a popularisé la légende de la descendance de Cham, fils maudit de Noé dans la Bible, condamné à n’être à jamais que l’esclave de l’esclave de ses frères, identifiant les Africains aux descendants de Cham…

Cette désignation arbitraire d’une couleur, d’une altérité à mettre sous les fers, permettait de contribuer à l’extinction en Europe de stades extrêmes d’asservissements, accordant les pratiques d’exploitation sociale des puissants avec le discours chrétien à usage interne. Les infidèles, païens, hérétiques et incroyants lointains devenaient des esclaves par nature pour les mélanodermes spécifiquement.

Dans ce contexte de justification de l’injustifiable, de légitimation de l’illégitime par essence, le 8 janvier 1454, Nicolas V, de son vrai nom Tommaso Parentucceli [1398-1455], 208e pape, écrit au souverain du Portugal Alphonse V une bulle papale spéciale l’autorisant à soumettre en esclavage les « nègres » de Guinée et les « païens ».

Cette position de l’Eglise catholique, accompagnée de la légende de Cham que la noble institution diffusait sans s’encombrer de son réel fondement textuel et théologique, trop contente de disposer de nouveaux territoires de croisades, d’évangélisation, ferait autorité balayant les réticences des négriers en herbes et traitants néophytes.

La position de l’Eglise catholique par rapport à la Traite négrière n’allait pas être un épiphénomène loin de là, ses encouragements à l’ensauvagement esclavagiste continueraient tout au long de la période négrière, à l’instar de l’activisme doctrinaire de l’éminent théologien français Bellon de Saint Quentin, qui se servait des « Saintes Ecritures » pour libérer la conscience des traitants qui s’en remettaient à sa science.

L’Eglise catholique fut aussi l’institution qui consacra, par l’intermédiaire de son représentant le pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia de son vrai nom, le partage du monde entre le Portugal et l’Espagne en 1494 par le traité de Tordesillas. Au Portugal, revenaient l’Afrique, l’Asie et le Brésil alors que l’Espagne se voyait octroyée le reste de l’Amérique.

JPEG - 24.5 ko

Traduction de l’affiche ci-jointe : « Vente d’esclaves ! » dans la note de bas de page [1]
Théoricienne et organisatrice de la Traite négrière, l’Eglise allait s’activer pour en être un bénéficiaire direct et temporel, ne s’oubliant pas au festin des prédateurs. En effet lorsque le premier acte négrier fut posé par le rapt de dix Africains, perpétré par une expédition militaire portugaise menée par Nuno Tristan et Antam Gonsalves, les « meilleurs esclaves » furent offerts à Gabriele Condulmer dit Eugène IV, 207e pape de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. A cela s’ajoutent les esclaves qui travaillaient dans les abbayes, monastères et autres lieux de résidence des religieux, soumis à toutes les servitudes liées à leur double de statut de bien meuble et d’esclave par nature, convertible à souhait au christianisme.

Il ne faut pas oublier, en sus, le Code noir qui régissait dans les colonies françaises l’ensemble des soumissions et tortures légales des esclavisés, tous les instants de leur quasi-existence étant par décret orientés vers l’économie de plantation. Ce Code fait expressément référence à l’Eglise catholique, seule religion autorisée dans les colonies, monopole sur le marché du divin …

Il convient par conséquent de rendre au christianisme négrier ce qui lui revient, de s’armer d’une intransigeante culture de veille devant les nouveaux assauts de évisionnisme décuplés depuis que la question des réparations à la Traite négrière est abordée dans les grands forums internationaux comme Durban. La soudaine publicité au Vaudou béninois se termine rituellement dans les médias occidentaux par l’allégation avec pseudo témoignages de la participation volontariste du Dahomey à la Traite négrière. De telles indigences intellectuelles programmées pour produire des effets de désagrégation des dynamiques afro-diasporiques en cours et pour insensibiliser les opinions publiques occidentales à leur culpabilité historique procèdent par compilations sélectives des faits relatifs à la Traite négrière.

Il est caractéristique que l’on ne se demande pas quelle était l’économie du Dahomey avant son entrée dans la Traite esclavagiste … Cette absence n’est pas neutre, elle s’explique par la nécessité de présenter des cas purs de collaboration volontaire d’Africains à leur démolition négrière. Or les historiens n’ignorent pas que avant que le Dahomey tombe pieds et poings dans les filets négriers, le roi Agaja Trudo avait déployé une énorme énergie résistante et politique pour arrêter la traite, proposant d’autres formes explicites de coopérations aux pays européens, faisant appel à leurs artisans, ainsi qu’il en fut des rois Ashantis, Kongo, etc…

Akam Akamayong

Source : AFRIKARA

*******************************************************************************************************************************************

Afin de se rendre compte de la prégnance du lien entre l’Eglise catholique et les puissants dans l’institution de la colonisation, il est aussi intéressant de lire comment s’organiser le lien entre le gouvernement belge et les missionaires catholiques en 1920, soit presque 500 ans après la bulle papale de Nicolas V. Siècle après siècle, esclavagistes et religieux ont travaillés main dans la main.


Extrait de la causerie de Jules Renquin, Ministre Belge des Colonies, en 1920 avec les premiers missionnaires catholiques du Congo-Belge.

Les devoirs des Missionnaires dans notre colonie
Révérends Pères et Chers Compatriotes, soyez les bienvenus dans notre seconde patrie, le Congo Belge

La tâche que vous êtes conviés à y accomplir est très délicate et demande beaucoup de tact. Prêtres, vous venez certes pour évangéliser. Mais cette évangélisation doit s’inspirer de notre grand principe : tout avant tout pour les intérêts de la métropole (Belgique).

Le but essentiel de votre mission n’est donc point d’apprendre au noirs à connaître Dieu. Ils le connaissent déjà. Ils parlent et se soumettent à un NZANBE ou un NVINDIMUKULU, et que sais-je encore ? Ils savent que, tuer, voler, calomnier, injurier.. est mauvais.

Ayant le courage de l’avouer, vous ne venez donc pas leur apprendre ce qu’ils savent déjà. Votre rôle consiste, essentiellement, à faciliter la tâche aux administratifs et aux industriels. C’est donc dire que vous interpréterez l’évangile de la façon qui sert le mieux nos intérêts dans cette partie du monde. Pour ce faire, vous veillerez entre autres à :

- 1. Désintéresser nos “sauvages” des richesses matérielles dont regorgent leur sol et sous-sol, pour éviter que s’intéressant, ils ne nous fassent une concurrence meurtrière et rêvent un jour à nous déloger.
Votre connaissance de l’évangile vous permettra de trouver facilement des textes qui recommandent et ’font aimer la pauvreté’. Exemple : « Heureux sont les pauvres, car le royaume des cieux est à eux » et « il est plus difficile à un riche d’entrer au ciel qu’à un chameau d’entrer par le trou d’une aiguille ». Vous ferez donc tout pour que ces Nègres aient peur de s’enrichir pour mériter le ciel..

- 2. Les contenir pour éviter qu’ils ne se révoltent.
Les administratifs ainsi que les industriels se verront obligés de temps en temps, pour se faire craindre, de recourir à la violence (injurier, battre..). II ne faudrait pas que les Nègres ripostent ou nourrissent des sentiments de vengeance. Pour cela, vous leur enseignerez de tout supporter. Vous commenterez et les inviterez à suivre l’exemple
de tous les saints qui ont tendu la deuxième joue, qui ont pardonné les offenses, qui ont reçu sans tressaillir les crachats et les insultes.

- 3. Les détacher et les faire mépriser tout ce qui pourrait leur donner le courage de nous affronter.
Je songe ici spécialement à leurs nombreux fétiches de guerre qu’ils prétendent les rendre invulnérables. Étant donné que les vieux n’entendraient point les abandonner, car ils vont bientôt disparaître, votre action doit porter essentiellement sur les jeunes.

- 4. Insister particulièrement sur la soumission et l’obéissance aveugles.
Cette vertu se pratique mieux quand il y a absence d’esprit critique. Donc évitez de développer l’esprit critique dans vos écoles. Apprenez-leur à croire et non à raisonner.
Instituez pour eux un système de confession qui fera de vous de bons détectives pour dénoncer tout noir ayant une prise de conscience et qui revendiquerait l’indépendance nationale.

- 5. Enseignez-leur une doctrine dont vous ne mettrez pas vous-même les principes en pratique. Et s’ils vous demandaient pourquoi vous comportez-vous contrairement
à ce que vous prêchez, répondez-leur que “vous les noirs, suivez ce que nous vous disons et non ce que nous faisons”. Et s’ils répliquaient en vous faisant remarquer qu’une foi sans pratique est une foi morte, fâchez-vous et répondez : “heureux ceux qui croient sans protester”.

- 6. Dites-leur que leurs statuettes sont l’oeuvre de Satan.
Confisquez-les et allez remplir nos musées : de Tervurene, du Vatican. Faites oublier aux noirs leurs ancêtres.

- 7NE PRÉSENTEZ JAMAIS UNE CHAISE À UN NOIR QUI VIENT VOUS VOIR.
Donnez-lui tout au plus une cigarette. Ne l’invitez jamais à dîner même s’il vous tue une poule chaque fois que vous arrivez chez lui.
NE JAMAIS DIRE “VOUS” À UN NOIRCAR IL SE CROIRAIT L’ÉGAL DU BLANC..

- 8CONSIDÉREZ TOUS LES NOIRS COMME DES PETITS ENFANTS que vous devez CONTINUER À TROMPER.
Exiger qu’ils vous appellent TOUS “MON PÈRE“.

- 9. Criez au communisme et à la persécution quand ils vous demandent de cesser de les tromper et de les exploiter.

Ce sont là, Chers Compatriotes, quelques-uns des principes que vous appliquerez sans faille. Vous en trouverez BEAUCOUP D’AUTRES dans des livres et textes qui vous seront remis à la fin de cette séance. Le Roi attache beaucoup d’importance à votre mission. Aussi, a t il décidé de faire tout pour vous la faciliter. Vous jouirez de la très grande protection des administratifs. Vous aurez de l’argent pour vos oeuvres évangéliques et vos déplacements.
Vous recevrez gratuitement des terrains de construction pour leur mise en valeur, vous pourrez disposer d’une main d’oeuvre gratuite.

Voilà donc Révérends Pères et Chers Compatriotes, ce que j’ai été prié de vous faire savoir en ce jour.

Main dans la main, travaillons donc pour la grandeur de notre Chère Patrie.

(Source : Avenir colonial Belge, 30 octobre 1921)

Related Posts