23 ans d’exil pour un journaliste

Il totalise  aujourd’hui 23 d’exil pour un délit de presse qui lui avait valu …3 ans de prison en 1998. 23 ans qu’il n’a pas revu son épouse et ses enfants. Quand sa mère décède il y a quelques mois, il se contente en guise d’hommage d’envoyer un message audio.

L’ancien  ‘localier’ du journal ‘Douala Express’  signait Sam Deido. Douala Express ? Un canard édité au début des années 80 par Jacques Kaya, sur le sillage de ‘la Gazette’, l’un des tous premiers nés en 74 de la presse hebdomadaire à capitaux privées de la place, du  ‘maître’ Abodel Karimou, ancien rédacteur en chef de ‘la presse du Cameroun’, l’ancêtre de ‘Cameroon Tribune’.

Sam Deido est ce qu’on appelle un journaliste d’investigation. Il n’avait pas son pareil pour ‘débusquer un lièvre’ dans n’importe quel terrier sous le théâtre des faits de société. Il n’y avait que la censure  pour l’arrêter. Parfois, nos amis en képi, depuis toujours plus proches de la presse, affinaient leurs enquêtes à partir des révélations de Sam Deido…

De son vrai nom Samuel Eleme, il crée le journal la ‘Détente’ en 90, qui paraissait à Douala. C’est à la Détente de Samuel Eleme que fut publié en 91 le fameux livre vert de Shanda Tonme, ‘la question Bamileke. Parlons en’ qui posait déjà le problème des revendications du La’akam.

C’est à la Détente que les journalistes ont été ‘gazés’ par la police qui tenait à empêcher en 91 une réunion de l’Organisation Camerounaise de la  Liberté de la Presse (OCALIP) dont Samuel Eleme était Vice président. « Ayant appris par RFI que le Messager était suspendu, j’organise une marche de protestation. Les confrères ont marché du Rond point Deido au lieu dit ‘Dekage’ ou nous sommes monté à la rédaction de la Détente pour faire le point. La police a pris d’assaut mon bureau saccageant tout sur son passage.

Mais son exil viendra d’ailleurs. 

 « Il y avait un problème de leadership à Deido mon village.   Pour concilier des frères rivaux du Rdpc,   le Chef Ekwalla Essaka a convoqué la notabilité, ministre et député du Rdpc pour signer une motion de soutien à qui vous savez. 

J’ai estimé que ce problème n’était pas du ressort des notables car les populations du canton militent dans divers partis. 

Je signais ainsi mon arrêt de mort…

C’est d’abord le journal ‘Elimbi’ appartenant à un certain John Mandengue qui m’afficha à la Une, me traitant de tous les noms d’oiseau.

Le même Mandengue qui brassait des milliards de la Cdc comme courtier des assurances alors qu’il n’était qu’un apporteur d’affaires tenta de régulariser son statut,  mais trop tard. La décision de devenir courtier ne pouvait rétroagir. 

Le contrôle Supérieur de l’Etat avait déjà, à la publication de mes informations, ordonné une enquête sur ce dossier. 

Il fallait donc me faire taire à tous prix. 

On m’a condamné à la première audience à 3 ans de prison ferme avec mandat d’arrêt à l’audience pour propagation de fausses nouvelles, assortie de l’interdiction de parution du journal pendant 1 an. » 

Pour fuir cette répression qui s’abattait  sur lui à cause d’un délit de presse, Samuel Eleme n’a pas attendu l’exécution du mandat d’arrêt. Il a rejoint le Nigeria par pirogue, puis le Bénin où il a pris l’avion pour la France, titulaire d’un visa permanent et d’une ‘green card’.

Ironie du sort, des mois plus tard, traqué par le Contrôle Supérieur de l’Etat dans cette affaire d’assurance,  interdit de sortir du territoire, Mandengue  a vendu tous ses biens et a pris également la mer pour le Nigeria.

Condamné en 1998, « Alors que je n’ai pas relevé appel, il y a un appel qui maintient mon dossier en instance. Je dois d’abord exécuter le mandat d’arrêt, ce que je me refuse à faire tant que mes bourreaux sont encore aux affaires.  Le ministre Mbella Mbappé m’avait demandé en 2000 de revenir. Que je me rendrai à New Bell le matin du procès et qu’on me mettra en liberté provisoire. Mais je sais que si je me constitue prisonnier, ils ne me lâcheront pas »…

Au cours de son exil, le refugié  est devenu ‘le pasteur Eleme’. Il dirige maintenant à Aulnay-sous-Bois en région parisienne, la paroisse Saint Michel de l’église du Christianisme Céleste. Mais nostalgique de son pays qui lui refuse la jouissance de sa citoyenneté  depuis 23 ans, Samuel Eleme foulera t-il encore les berges du Wouri ?

Edouard Kingue

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